Conclusions de l’expertise commandée par les autorités ukrainiennes : l’EOU  n’a pas rompu ses liens avec l’Église orthodoxe russe

L’analyse  de la Charte de l’Église orthodoxe ukrainienne, commandée par les services d’État d’Ukraine, a montré que l’Église orthodoxe ukrainienne (EOU), dirigée par le métropolite Onuphre, entretient un lien  canonique avec l’Église orthodoxe russe de Moscou. Bien que cette église elle-même affirme qu’il n’y a pas de tel lien. Le texte de l’examen, compilé par un groupe d’experts en ethnopolitique et en liberté de conscience, dirigé par l’érudit religieux Alexander Sagan, est publié sur le site Web du département


PO: Rappelons que lors de la réunion annuelle du clergé du diocèse de Kiev, Sa Béatitude, le métropolite Onuphre, a rappelé les résultats du Concile, qui  s’est tenu le 27 mai 2022 à Kiev. Le Concile a décidé d’introduire dans la Charte sur la gestion de l’Eglise d’Ukraine des dispositions sur son indépendance  du Patriarcat de Moscou. 


L’examen a conclu qu’après le Concile de l’EOU, qui s’est tenu en mai 2022, certaines modifications  de la Charte de l’EOU ont été adoptées. Après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, plusieurs prêtres et évêques de l’EOU ont été soupçonnés de collaboration avec la Russie et des sanctions leur ont été appliquées.

Dans le même temps, cela n’a pas conduit à la rupture des liens canoniques avec l’Église orthodoxe russe de Moscou. Jusqu’à présent, l’EOU n’a pas le statut d’église autonome et n’est donc pas reconnue par d’autres églises orthodoxes comme autonome. L’EOU a une certaine indépendance, mais reste une subdivision structurelle de l’Église Orthodoxe Russe PM. L’étude  note que l’EOU ne proclame pas sa propre autocéphalie et ne la demande pas à Moscou.

Les conclusions de la commission signifient que les autorités ukrainiennes peuvent désormais soit obliger l’EOU à rompre officiellement tous les liens avec l’EOR, soit a prendre des mesures pour restreindre ou même interdire ses activités. Le projet de loi pertinent a déjà été soumis à la Verkhovna Rada.  En Ukraine l’EOU est accusée de  soutenir l’agression russe.

По мнению экспертов Госэтнополитики, УПЦ не разорвала церковно-каноническую связь с РПЦ, а также не является автономной Церковью.

A lire aussi Appel du clergé de l’Église orthodoxe d’Ukraine à l’épiscopat et au Synode.

7 commentaires sur “Conclusions de l’expertise commandée par les autorités ukrainiennes : l’EOU  n’a pas rompu ses liens avec l’Église orthodoxe russe

  1. Le secrétaire de l’Académie ecclésiastique de Kiev, l’archimandrite Mitrophane (Bojko) : « L’Église orthodoxe ukrainienne a donné un sens réel aux termes « pleine autonomie » et « indépendance »

    Suite au décret du 1er décembre 2022 du président ukrainien, portant « réalisation d’une expertise à caractère religieux des Statuts de la gouvernance de l’Église orthodoxe ukrainienne sur l’existence d’un lien ecclésiastico-canonique avec le Patriarcat de Moscou » et aux conclusions de cette expertise, l’archimandrite Mitrophane (Bojko), secrétaire scientifique de l’Académie ecclésiastique de Kiev, a rédigé une analyse de celles-ci, qui a été publiée par le Département de l’information et de l’éducation de l’Église orthodoxe ukrainienne (sous l’omophore du métropolite de Kiev Onuphre), et que nous reproduisons in extenso ci-dessous :

    De nombreux aspects de la conclusion sont « boiteux »

    Le plus important est que, contrairement au titre de la conclusion et au décret présidentiel qui a consacré la décision du Conseil de sécurité nationale et de défense de l’Ukraine du 1er décembre 2022, l’objet de l’expertise n’a pas seulement été les Statuts de la gouvernance de l’Église orthodoxe ukrainienne (ci-après : EOU), mais aussi toute une série de documents qui n’ont rien à voir avec eux, dont les Statuts de l’Église orthodoxe russe (ci-après : EOR). Or, leс statuts de l’EOR eux-mêmes mentionnent que l’EOU est guidée dans ses activités par ses propres statuts. Dans la clause concernée, il n’est fait nulle part mention des statuts de l’Église orthodoxe russe, contrairement au cas des Églises autonomes japonaise et chinoise, ainsi que des Églises auto-administrées de Lettonie, de Moldavie, d’Estonie et de l’Église orthodoxe russe hors-frontières, qui sont sous la juridiction du Patriarcat de Moscou.

    En général, la version en vigueur des statuts de l’EOR a été adoptée en 2017, et la nouvelle version des statuts de l’EOU sur la gouvernance, qui consacre sa pleine autonomie et indépendance, a été adoptée le 27 mai 2022. Il est donc chronologiquement impossible d’évaluer les modifications apportées en se basant sur le document précédemment adopté. D’autant plus qu’il n’est pas précisé dans celui-ci que l’EOU doit être guidée par celui-ci, et que les statuts sur la gouvernance de l’EOU lui-même ne le mentionne en aucune façon.

    La deuxième chose que les experts soulignent est que la conclusion ne définit pas les concepts de base qui ont été utilisés par le groupe d’experts religieux. Il s’agit de concepts tels que « autocéphalie », « autonomie », « charte », « tomos», « diptyque » et surtout « lien ecclésiastique-canonique ». En l’absence d’une définition claire de ces concepts, le groupe d’experts les a utilisés de manière plutôt arbitraire, en y introduisant sa propre interprétation, ce dont dépendait finalement l’objectivité et le professionnalisme de la conclusion elle-même.

    Il est impossible d’analyser toutes les insuffisances et les lacunes de ce document de 19 pages dans une brève revue, et cela n’en vaut évidemment pas la peine, car on peut se noyer dans ce volume et perdre de vue l’aspect sur lequel on voudrait le plus attirer l’attention. Et les aspects individuels sur lesquels la conclusion « boîte » sont nombreux. Je propose donc de me concentrer sur le concept autour duquel tourne l’ensemble de l’expertise : l’ « autocéphalie ».

    Substitution de concepts et mauvaise interprétation des documents

    En général, pour prouver la présence d’un « lien ecclésiastique-canonique » (on ne sait pas très bien de quoi il s’agit) entre l’Église orthodoxe ukrainienne et le Patriarcat de Moscou, le groupe d’experts a agi dans le cadre de la dichotomie « autocéphalie – autonomie ». Si le concept « d’autocéphalie » est absent des documents de l’EOU, cela est automatiquement perçu comme une preuve de son « autonomie », c’est-à-dire qu’elle fait partie de l’Église orthodoxe russe.

    Le fait que S.B. le métropolite Onuphre, dans une lettre au chef du Service d’État sur l’ethno-politique et la liberté de conscience du 1er juin 2022, ait décrit le statut de l’EOU en termes d’« indépendance administrative » et de « pleine autonomie canonique » est considéré insuffisant, car « le droit canon orthodoxe ne fonctionne pas avec un tel concept, contrairement aux concepts d’Église « autocéphale » ou « autonome ». La logique du Primat et de la hiérarchie de l’EOU, selon laquelle l’autocéphalie ne peut être proclamée unilatéralement, mais doit être accordée, n’est pas prise en compte.

    Il y a donc une substitution de concepts et une mauvaise interprétation des documents. En conclusion, il s’avère [selon les conclusions susmentionnées, ndt] que les concepts d’« indépendance administrative » et de « pleine indépendance canonique », qui ne se trouvent pas dans les canons de l’Église orthodoxe, indiquent une subordination au Patriarcat de Moscou ( !). Il est donc nécessaire de clarifier ce qu’est l’autocéphalie et ce en quoi cela diffère de la pleine autonomie et l’indépendance de l’EOU.

    Lorsque le groupe d’experts fait appel au concept d’autocéphalie, en disant qu’il est canonique, il n’étaye en rien son affirmation. Si nous regardons les canons de l’Église, nous n’y trouvons ce terme par même une seule fois.

    À l’époque des Conciles œcuméniques, lorsque le corpus du droit canonique de l’Église orthodoxe était en cours de formation, un seul canon était considéré comme faisant allusion à l’autocéphalie. Il s’agit du 8ème canon du IIIème concile œcuménique (431). Il dispose ce qui suit : « Que les chefs des saintes églises de Dieu en Chypre restent sans être inquiétés ni exposés à la violence, si, observant les canons des saints et vénérés pères, ils procèdent par eux-mêmes, selon l’ancienne coutume, à l’élection des très pieux évêques… » Le concept même d’autocéphalie n’est pas mentionné ici, mais son signe distinctif est indiqué – la nomination indépendante du primat et des évêques. La même chose est confirmée dans le 39ème canon du Concile In Trullo (691-692), lorsque les Chypriotes réinstallés ont conservé leurs droits antérieurs dans leur nouveau lieu de résidence, la nouvelle Justianopolis.

    Si nous nous tournons vers l’histoire de l’Église, qui relate la tradition ecclésiastique de l’époque des Conciles œcuméniques, nous verrons une chose tout à fait inattendue : l’Église locale (archevêché) qui était exempte de l’autorité du métropolite de la province et subordonnée directement au patriarche était appelée autocéphale. Ainsi, les canons et la tradition de l’Église fournissent des données fort contradictoires sur le contenu canonique réel de l’« autocéphalie».

    L’autocéphalie ne nécessite pas un document tel qu’un « tomos »

    Pour savoir ce qu’est l’autocéphalie et quelle est l’étendue de la « liberté sans empiètement ni oppression », nous pouvons nous tourner vers les textes des documents qui ont accordé l’autocéphalie à l’époque la plus proche de nous – les XIXe et XXe siècles. Les Églises qui ont accordé l’autocéphalie à d’autres à cette époque et qui ont défini l’étendue de leur indépendance, étaient les patriarcats de Constantinople, de Moscou et de Serbie. Nous évitons délibérément la question de la légitimité de ces tomos ou de leur reconnaissance par d’autres. En l’occurrence, nous nous intéressons au contenu de l’autocéphalie, qui y est consacré.

    Il convient de mentionner ici le titre du document lui-même. Le groupe d’experts ne parle que de la nécessité d’un « tomos » pour l’autocéphalie et l’oppose à une « charte » [gramota]. Mais ces concepts sont identiques, la seule différence réside dans la langue grecque et slave de ce nom. Cela est évident si l’on considère que la charte de 1990 accordée à l’EOU a été désignée comme un tomos dans les différentes versions du statut de l’Église orthodoxe russe de 2000 à 2017.

    Historiquement, les documents accordant l’autocéphalie ne portaient pas nécessairement le nom de « tomos ». Par exemple, l’affirmation du statut autocéphale et patriarcal de l’Église orthodoxe russe a été confirmée par des documents appelés « charte statutaire » de 1589, « tomos sur les actes » du Concile de 1590 et « acte conciliaire » de 1593. Lorsque l’Église orthodoxe russe a accordé l’autocéphalie à l’Église orthodoxe d’Amérique en 1970, ce document a été appelé « tomos », mais l’octroi de l’autocéphalie [par l’EOR, ndt] à l’Église polonaise en 1948 et à l’Église tchécoslovaque en 1951 a été entériné par un « acte ». Ce mot est utilisé pour un concile, un synode, etc.

    Si nous regardons les patriarcats orientaux, ils n’ont pas du tout de tomos : leurs statuts ont été fixés par la décision des Conciles œcuméniques sans aucun document particulier. Dans le cas de l’Église de Chypre, le 8e canon du IIIe concile œcuménique stipule ce qui suit : « chaque métropolite sera autorisé de prendre sans entrave copie conforme de cette décision » Selon nos termes, il s’agit d’un « extrait du protocole ».

    Nous pouvons en déduire que l’autocéphalie ne nécessite pas un document tel qu’un « tomos », et d’autant tant plus avec cette appellation. L’essentiel est que la décision conciliaire pertinente soit prise. Et la forme sous laquelle cette décision sera formalisée et communiquée est une question technique et secondaire.

    Lorsqu’elle accorde l’autocéphalie, Constantinople définit chaque fois de manière différente les limites de l’indépendance de chaque Église.

    Examinons donc le contenu des tomos, des chartes ou des actes. Le Patriarcat de Constantinople a accordé des tomos aux Églises : grecque (1850), serbe (1879), roumaine (1885), polonaise (1923), albanaise (1937), bulgare (1945), géorgienne (1990), tchèque et slovaque (1998), et à l’Église orthodoxe d’Ukraine [« autocéphale », ndt] (2019). Il n’y a aucune cohérence substantielle dans ces documents. Chaque fois que Constantinople accorde l’autocéphalie, elle définit les limites de l’indépendance de chaque Église de manière différente. Examinons-les point par point.

    En général, Constantinople ne réglemente pas la structure interne des Églises, mais il y a trois cas différents. Dans l’Église de Grèce, la composition de l’organe directeur, le Synode, est réglementée. Une ingérence encore plus importante dans la structure interne et l’administration est observée dans l’Église des Terres tchèques et de la Slovaquie et dans l’Église orthodoxe d’Ukraine. Ici, la structure et les organes directeurs sont clairement définis, et le droit d’appel à Constantinople est indiqué, c’est-à-dire que hiérarques et le clergé de ces Églises relèvent de son jugement.

    Toutes les Églises, à l’exception des Églises roumaine, bulgare et géorgienne, sont directement tenues de recevoir le Saint-Chrême de Constantinople ; dans les autres cas, cette question n’a pas été évoquée.

    Toutes les Églises, à l’exception des Églises serbe, roumaine et géorgienne, sont tenues d’entretenir les relations avec les autres Églises (locales, ndt) par l’intermédiaire de Constantinople.

    Les tomos de l’Église des Terres tchèques et de la Slovaquie et de l’Église orthodoxe d’Ukraine (c’est-à-dire depuis 1998) ont commencé à limiter le droit de tutelle sur la diaspora, qui a été déclaré prérogative exclusive de Constantinople.

    Ces points sont complétés par de nouvelles restrictions dans le tomos de l’Église orthodoxe d’Ukraine, qui ne figuraient pas dans les autres tomos. Celles-ci comprennent l’obligation de participer aux événements organisés par Constantinople, ainsi que l’ouverture de stavropégies sur le territoire de l’Église autocéphale, à savoir des unités ecclésiastiques qui ne sont pas soumises à la hiérarchie de cette dernière.

    Aussi, quel tableau général de l’essence ou du contenu du concept d’autocéphalie peut-on dresser sur la base de ces documents ? Existe-t-il une tradition ecclésiale commune, au moins au sein du Patriarcat de Constantinople, au cours des 150 dernières années ?

    Une autre tradition existe parmi les Églises orthodoxes locales du monde slave

    Passons maintenant aux documents correspondant du Patriarcat de Moscou : les actes d’octroi de l’autocéphalie aux Églises polonaise (1948) et tchécoslovaque (1951), ainsi que le Tomos à l’Église orthodoxe en Amérique (OCA) (1970). Dans ses actes, en parlant d’autocéphalie, Moscou parle de « pleine autonomie administrative ». La structure de l’Église doit être conforme aux canons, mais rien d’autre n’est spécifié.

    Le Patriarcat de Moscou explique plus en détail la signification de l’autocéphalie dans le Tomos de l’Église orthodoxe en Amérique (OCA), où il indique clairement que l’« autocéphalie » signifie : l’indépendance et l’auto-administration avec le droit d’élire son primat et ses évêques sans aucune confirmation ou droit de veto de la part des autres Églises ; la détermination de la structure et de la gouvernance de l’Église conformément aux règles de ses propres statuts, qui sont adoptés et modifiés de manière indépendante ; des relations indépendantes avec toutes les Églises ; et la préparation et la consécration du Saint-Chrême.

    Le document le plus récent sur l’autocéphalie est le Tomos du Patriarcat serbe, accordé à l’Église orthodoxe macédonienne le 5 juin 2022. Ce document stipule spécifiquement que la pleine autocéphalie est accordée, ce qui signifie que l’Église serbe ne porte en aucune façon préjudice à la position ou ne limite la juridiction canonique de l’Église macédonienne, tant dans la patrie que dans la diaspora.

    Ainsi, nous voyons une autre tradition parmi les Églises orthodoxes locales, caractéristique du monde slave. Elle veut que l’autocéphalie signifie une indépendance totale, qui n’est soumise à aucune restriction de la part d’une autre Église. La seule restriction est celle des canons communs à toutes.

    Il n’y a donc pas, en principe, de définition canonique de l’« autocéphalie » au sens moderne. Quant à la tradition ecclésiastique, elle a été différente à différentes époques et dans différentes parties de l’Église orthodoxe universelle. Nous pouvons conclure qu’il n’y a pas non plus de tradition ecclésiale unique en la matière. Et il ne s’agit pas de la procédure d’octroi de l’autocéphalie, mais de son contenu même. La question est la suivante : quel modèle d’autocéphalie le groupe d’experts privilégie-t-il ?

    Contrairement à l’autocéphalie, dans le cas de l’autonomie, il existe un consensus panorthodoxe

    Le groupe d’experts oppose à juste titre l’autocéphalie et l’autonomie, en soulignant leur différence fondamentale. Mais, contrairement à l’autocéphalie, dans le cas de l’autonomie, il existe un consensus panorthodoxe, qui a été constaté au niveau des Primats des Églises orthodoxes locales à Chambésy les 21-28 janvier 2016 et adopté au Concile de Crète par dix Églises orthodoxes locales les 16-27 juin 2016.

    Ce consensus est exprimé dans le document « L’autonomie et la manière de la proclamer ». Il indique notamment les limites de l’Église autonome : son primat est élu ou confirmé par l’Église autocéphale, le nom du primat de l’Église autocéphale est commémoré dans les offices ; l’élection, la nomination et le jugement des évêques sont effectués par l’organe autorisé de l’Église autonome, et si cela n’est pas possible, avec l’aide de l’Église autocéphale ; l’Église autonome reçoit le Saint-Chrême de l’Église autocéphale, et mène les relations inter-orthodoxes, inter-chrétiennes et inter-religieuses par l’intermédiaire de l’Église autocéphale.

    En suivant la logique selon laquelle l’autocéphalie est le contraire de l’autonomie, on peut conclure qu’une Église autocéphale ne devrait pas avoir les restrictions ci-dessus. C’est-à-dire qu’elle devrait : élire et nommer un Primat qui commémore tous les autres Primats ; élire, nommer et juger indépendamment les évêques et le clergé ; préparer et consacrer le Saint-Chrême ; et réaliser indépendamment les relations extérieures.

    Si je puis m’exprimer ainsi, c’est la liste minimale qui caractérise le statut d’une Église autocéphale. Un certain nombre de tomos et d’actes ont confirmé ce contenu d’autocéphalie, même de la part de Constantinople dans certains cas.

    Le statut de l’EOU dépasse à certains égards le niveau d’indépendance des Églises formellement autocéphales.

    Essayons maintenant d’appliquer les critères ci-dessus à l’Église orthodoxe ukrainienne, conformément aux résolutions de son Concile du 27 mai 2022 et à la nouvelle version de son statut de gouvernance, ainsi qu’à sa pratique liturgique et fonctionnelle réelle.

    Le métropolite de Kiev et de toute l’Ukraine est élu par l’épiscopat de l’EOU ; il commémore lors de la Divine Liturgie les Primats des Églises orthodoxes locales qui n’ont pas soutenu l’immixtion de Constantinople sur son territoire canonique.

    Le Saint-Synode de l’ÉOU élit et nomme les évêques, qui sont sacrés par les hiérarques ukrainiens dirigés par le métropolite de Kiev ; le Saint-Synode crée de nouveaux diocèses, modifie leurs limites, et ces décisions sont soumises à la confirmation de l’Assemblée des évêques de l’ÉOU ; l’Assemblée des évêques est la plus haute instance de l’ÉOU .

    Le 23 novembre 2022, le Saint-Synode a décidé de rétablir la préparation et la consécration du Saint-Chrême à Kiev.

    Le métropolite de Kiev est responsable des relations inter-orthodoxes, interchrétiennes et inter-religieuses, qui sont assurées par le Département des relations extérieures de l’Église, créé en 1992. La réalité de ces relations est confirmée par la participation des évêques et du clergé ukrainiens à des événements conjoints avec des représentants des Églises locales en Ukraine et à l’étranger et, surtout après le déclenchement de la guerre, par l’aide apportée à l’organisation de l’assistance spirituelle aux Ukrainiens à l’étranger.

    À cela s’ajoute la prise en charge de la diaspora, qui est récemment devenue un autre marqueur de l’autocéphalie.

    Ainsi, n’utilisant pas le concept d’autocéphalie, mais les expressions « pleine autonomie et indépendance », l’Église orthodoxe ukrainienne les remplit d’une signification réelle, qui dépasse à plusieurs égards le niveau d’indépendance des Églises formellement autocéphales.

    Est-il nécessaire d’ajouter à cela l’absence de toute norme qui indiquerait la participation des évêques, du clergé ou des fidèles de l’EOU à tout organe d’une autre Église locale, en l’occurrence l’Église orthodoxe russe ?

    La préparation du Saint-Chrême et l’ouverture de paroisses à l’étranger ne sont-ils pas des signes d’autocéphalie ?

    Dans sa conclusion, le Groupe d’experts indique que le statut de pleine indépendance doit être confirmé par « un certain nombre d’actions de nature canonique ». Cependant, il reste incompréhensible quelles doivent être ces actions, sachant qu’aucune action spécifique n’a été définie au niveau panorthodoxe.

    Le groupe d’experts souligne que ces actions devraient inclure des déclarations et des appels supplémentaires. Mais sont-elles canoniquement nécessaires ? Au contraire, l’EOU a en fait pris un certain nombre d’actions spécifiques qui renvoient à son statut fondamentalement nouveau. Il s’agit notamment de la non-participation de son primat au Synode de l’Église orthodoxe russe, du refus du clergé de participer aux départements synodaux (du Patriarcat de Moscou, ndt), de la cessation de la commémoration du patriarche de Moscou dans les églises, de la décision de rétablir la consécration du Saint-Chrême et de l’ouverture de paroisses à l’étranger.

    La conclusion soutient que le rétablissement de la préparation du Saint-Chrême et l’ouverture de paroisses à l’étranger ne sont pas des signes d’autocéphalie. Examinons donc ces deux questions séparément.

    Dans l’Église orthodoxe au niveau mondial, le patriarche de Constantinople prétend être le doyen parmi les autres primats, qui doivent reconnaître non seulement la primauté de son honneur mais aussi ses pouvoirs réels. Cet état de fait est reconnu et soutenu par les Églises grecques. Il s’est formé pendant la période de la domination ottomane, lorsque le patriarche de Constantinople a été proclamé ethnarque de tous les chrétiens de l’Empire ottoman.

    L’une des manifestations de cette suprématie était la réception du Saint-Chrême de Constantinople. Le Phanar a également prescrit cette « prérogative » dans ses tomos aux autres Églises autocéphales.

    Il est significatif qu’au XIXe siècle déjà, l’Église roumaine se soit fortement opposée à cela, car elle y voyait une restriction à son indépendance. Son principal argument était que l’onction des malades est un sacrement de l’Église. Or, chaque Église doit disposer de tous les moyens pour accomplir les sacrements. La recherche de tels moyens dans une autre Église locale signifierait qu’elle ne possède pas la plénitude des moyens pour la sanctification et le salut de l’homme.

    Cette position est partagée par d’autres Églises : Les Églises bulgare, serbe et géorgienne. Il est à noter que les Patriarcats de Moscou et de Serbie, en accordant l’autocéphalie à d’autres Églises, n’ont pas restreint le droit de consécration indépendante du Saint-Chrême (pour les Églises polonaise, tchécoslovaque, américaine et macédonienne). Cela confirme l’égalité des Églises, leur possession de tous les moyens opérant par la Grâce pour le salut de l’homme.

    Au lieu de cela, Constantinople s’approprie ce droit uniquement pour elle-même, sans aucun fondement canonique. En effet, si nous partons de la norme canonique, le 6ème canon du Concile de Carthage stipule que chaque évêque dans son diocèse peut consacrer le Saint-Chrême.

    Bien que l’ouverture de paroisses à l’étranger ne soit pas un signe formel de l’autocéphalie, elle en est la manifestation pratique. Dans ce domaine, ainsi que dans celui de la consécration du Saint-Chrême, Constantinople insiste sans fondement sur son droit exclusif d’ouvrir des paroisses dans la diaspora, interprétant faussement son titre d’« œcuménique » » Selon elle, toutes les diasporas nationales devraient lui être subordonnées. Cette position est également soutenue par les Églises grecques et a été formulée comme une exigence dans les tomos de l’Église des Terres tchèques et de la Slovaquie et de l’Église orthodoxe d’Ukraine.

    Cependant, un certain nombre d’Églises ayant une grande diaspora ne reconnaissent pas ces revendications du Phanar, les considérant comme une restriction de leur autocéphalie et, en général, de l’autocéphalie en tant que telle. Ainsi, les Églises antiochienne, russe, roumaine et serbe ont leurs propres structures diocésaines et paroissiales dans la diaspora. Désormais, l’Église orthodoxe ukrainienne dispose également de ses propres structures diocésaines. Un tel droit est prévu aussi pour l’Église macédonienne.

    Faiblesse des positions initiales et fausseté des conclusions générales de l’expertise

    En résumé, nous pouvons constater qu’il suffit de prêter soigneusement attention à un seul des concepts négligés par le groupe d’experts pour comprendre l’absence de fondement et la faiblesse des positions initiales et la fausseté des conclusions générales de l’expertise.

    En utilisant les concepts de « pleine indépendance canonique », « indépendance administrative » et autres, l’Église orthodoxe ukrainienne exprime bien plus que le concept panorthodoxe non-normatif d’ « autocéphalie ». Sur la base des décisions prises et des actions spécifiques de l’Assemblée clérico-laïque, de l’Assemblée des évêques, du Saint-Synode et du Primat [de l’Église orthodoxe ukrainienne], il n’y a aucun fondement pour présenter les relations de l’Église orthodoxe ukrainienne avec le Patriarcat de Moscou comme une relation « entre les parties et le tout », comme l’indique la conclusion.

    Source https://orthodoxie.com/le-secretaire-de-lacademie-ecclesiastique-de-kiev-larchimandrite-mitrophane-bojko-leglise-orthodoxe-ukrainienne-a-donne-un-sens-reel-aux-termes-pleine/?_gl=1*155rbx0*_up*MQ..*

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  2. L’Église Russe devrait sans tarder transformer tous ses exarchats, particulièrement celui d’Europe Occidentale, en Églises autonomes, afin d’éviter au possible la situation indéfendable dans laquelle se trouve l’EOU. Lorsque nous aurons la guerre des nations occidentales contre la Russie, nous nous retrouverons en Occident exactement dans la même position. En passant, l’Église russe devrait unifier toutes les juridictions russes en Occident sous une seule obédience. Cela renforcerait d’une part l’autonomie locale, et d’autre part cela éviterait aux électrons cenfrifuges de semer la zizanie par leurs déclarations intempestives ou leurs positionnements zélotistes.

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  3. Le gouvernement ukrainien considère probablement que l’Église ukrainienne PM est comme une « cinquième colonne ». En situation de guerre, c’est particulièrement dangereux

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    1. Le paradoxe dans lequel l’Église ukrainienne s’est retrouvée. S’ils se sont annoncés indépendants de Moscou, alors la prochaine étape devrait bien sûr être autocéphale. Grande procédure : Moscou devrait leur donner Tomos. Ou une autre église locale, ou Constantinople. Sinon, ils deviendront SDF et sans couverture patriarcale. Aujourd’hui, l’église qui a reçu Tomos de Bartholomée en 2019 a un statut plus canonique en Ukraine que celui du métropolite Onuphre et maintenant, son église peut être appelée « schismatique »

      Je ne suis pas un expert, mais il me semble qu’Onuphre est entré dans son propre piège

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      1. Le statut canonique conféré par le Tomos du patr. Bartholomée est plus que redoutable : Il n’est pas possible de se réconcilier (indispensable pour guérir un schisme) sans réconciliation véritable – c’est, de mon avis, la cause du rejet de l’autonomie de la structure d’Épiphane (Église orthodoxe d’Ukraine, patr. de Constantinople) par presque tous les Église orthodoxes. Ce n’est pas par un processus bureaucratique qu’est fondée une vie ecclésiale véritable selon la tradition apostolique, très ferme dans la matière – il faut que toutes les partie soient impliquées. Car sans réconciliation, il n’y a pas d’oikonomie dans la matière sacramentelle. C’est une réalité réciproque que le pardon ! En Ukraine, la haine de la structure d’Épiphane contre tout ce qui est « russe » ou proche d’une « russité » quelconque persiste est s’accroît – un mauvais signe, tout-à-fait maladif et, en plus, très peu chrétien (pourtant, on comprend cette attitude du point de vue humain !). L’Église orthodoxe ukrainienne (Metr. Onuphre) est reconnue par le Synode de Moscou comme telle « dans les circonstances de la guerre », et cela après la session du Synode de l’Église ukrainienne (Metr. Onuphre) en mai dernier qui a enterriné l’autonomie complète du patriarchat de Moscou. La voie de la haine, prêchée par beaucoup, n’aboutira pas à la résurrection de l’Ukraine, mais conduira à la mort. Il faudrait chercher la réconciliation et cela de la part de toutes les parties impliquées. C’est au moins la voie de l’Évangile qui est très fiable.

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      2. Vous n’avez pas besoin de rompre les liens et de vous engager dans l’intrigue. Le patriarche Cyrille a décidé de rompre la communion eucharistique avec le patriarche Bartholomée. Aujourd’hui, l’Église œcuménique orthodoxe comprend neuf patriarcats. Par l’ordre des diptyque, ce sont : les patriarcats de Constantinople, d’Alexandrie, d’Antioche, de Jérusalem, de Moscou, les patriarcats de Géorgie, de Serbie, de Roumanie et de Bulgarie. L’Eglise russe est la cinquième sur cette liste. Vous devez être humble et vous rappeler ce qui est le plus important.

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        1. Dans ces attitudes des patriarchats concernés, je ne me permets pas de qualifier les motivations. Ce qui compte, ce sont les fruits de ces actes : haine, guerre, meurtre, mort, discorde etc. Et quelle ironie de notre part que de condamner les côtés / partis dans cette tragédie ! Je ne saurais juger aucune de ces positions, parce que je vois tous ces hommes, femmes et enfants concernés en Ukraine et en Russie – des personnes maltraitées. Les motivations de ces cruautés ne me semblent pas légitimes. Et avec ces « fruits » démoniaques, l’arbre n’est pas des meilleurs… La vraie paix ne viendra sûrement pas en comptant l’ancienneté selon les diptyques et en défendant les droits canoniques. L’Église n’est pas une entité purement fonctionelle, elle est réelle et ne saura exister sans ces composantes, peu importe l’appartenance juridictionnelle. Si le Christ devient « chose négligeable » dans cette question, on aura perdu.

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