Les Russes blancs : le dernier carré de l’Empire

Ce film montre une rencontre en 1966 avec les Russes blancs de Paris. Souvent issus de la haute aristocratie ou de la grande bourgeoisie, ils ont fui la révolution bolchevique de 1917. On voit dans le film Serge Vodov (Cергей Водов), le rédacteur en chef de l’hebdomadaire « La Pensée russe » en 1953-1968.

Le nombre exact de Russes blancs émigrés n’est pas connu avec précision. En 1925, le Bureau international du travail (BIT) parle d’environ 1 100 000 personnes, mais d’autres sources ont avancé des chiffres sensiblement supérieurs. Sur un chiffre approximatif de 1 500 000 exilés, environ 400 000 auraient élu domicile en France, les Russes blancs se retrouvent autour d’institutions caritatives comme le Comité Zemgor et la société de la Croix Rouge russe , ainsi que l’Institut Saint-Serge (fondé en 1924 ) et l’Action chrétienne des étudiants russes (A.C.E.R.) 1924, qui assurent à leur communauté un lien associatif, politique et religieux, ainsi qu’une aide matérielle.

Les Russes blancs émigrent aux quatre coins du monde, en Europe , aux Etat-Unis, certains exilés formant en Chine  la communauté dite des Russes de Shanghai. En France, une légende veut que les grands-ducs soient devenus chauffeurs de taxis alors que la majorité des émigrés ont travaillé comme ouvriers dans les usines Renault et Citroen ou dans des usines métallurgiques du Nord et l’Est de la France.

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7 commentaires sur “Les Russes blancs : le dernier carré de l’Empire

  1. Il y eut certes des Russes blancs exilés en France qui, naïfs, convaincus que l’armée allemande allait renverser le régime communiste et rétablir le grand-duc Cyrille Romanov, chef de la Maison impériale, sur le trône de de ses ancêtres, collaborèrent sous l’occupation avec les Allemands, mais il y eut aussi parmi eux des héros de la Résistance, tels, par exemple, le prince Nicolas Obolenski, déporté à Buchenwald, sa femme, la princesse Véra Obolenski, torturée et décapitée à Berlin, la mère Marie Skotsov, le père Dimitri Klépinine morts en déportation. Parmi les Russes blancs il y eut également ceux qui, comme le poète Georges Adamovitch et mon propre père, tentèrent en 1939 de s’engager dans l’armée française mais celle-ci ne voulut pas d’eux.
    Si l’on évoque les uns, il est honnête, nécessaire d’évoquer aussi les autres.
    Gabriel Matzneff

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    1. Très intéressant article de Laure Mandeville, grand reporter au Figaro, qui a été longtemps correspondante du journal à Moscou et dans les pays de l’Est. 

      « Quand l’URSS et le communisme s’effondrent comme un château de cartes, les dissidents ne sont paradoxalement pas consultés, ni même appelés aux affaires comme conseillers, alors qu’ils auraient pu montrer un cap pour aider le bateau ivre de la Russie à naviguer la tempête des années 90. Ils seront au contraire soigneusement écartés ou tout simplement ignorés par les politiques.

      Andreï Sakharov meurt trop tôt et Sergueï Kovalev se retrouve trop isolé pour peser vraiment, comme le montrera son impuissance à arrêter l’horreur de la guerre de Tchétchénie, en 1994 puis en 1999. Vladimir Boukovski qui, dès 1991, était rentré à Moscou pour appeler à faire le procès du communisme, ne sera pour sa part jamais entendu, même si Boris Eltsine semblait au départ lui prêter une oreille favorable. Galina Starovoitova, qui avait plaidé pour un processus de lustration semblable à celui pratiqué en Tchéquie par exemple, sera assassinée en 1998. Et Soljénitsyne, rentré trop tard, selon certains, sera accueilli dans une certaine indifférence par la classe politique, malgré ses nombreux voyages dans le pays profond, avant d’être flatté et récupéré cyniquement par Poutine, dans ses dernières années.

      «Les dissidents soviétiques n’étaient pas assez nombreux pour pouvoir changer les choses en 1991», explique Sergueï Khodorovitch dans son appartement du 12e arrondissement de Paris où il nous reçoit au milieu de montagnes de livres et de papiers. À 84 ans, cet homme frêle est l’un des derniers dissidents soviétiques vivants de cette période, alors que la France fut longtemps le havre des opposants politiques et intellectuels d’URSS, après avoir accueilli auparavant l’émigration russe de l’époque tsariste. Paris abrita le siège de La Pensée russe où travaillaient le célèbre dissident Alexandre Guinsburg et la journaliste Natalia Gorbanevskaïa. Vivaient aussi en région parisienne l’écrivain Andreï Siniavski, l’historien Léonid Pliouchtch, le publiciste Vladimir Maximov et bien sûr Victor Fainberg et d’autres. Autant de dissidents célèbres aujourd’hui disparus.

      Moins connu, Sergueï Khodorovitch avait été le coordonnateur du Fonds Soljénitsyne d’aide aux familles des prisonniers politiques que le grand écrivain avait souhaité financer, après son départ d’URSS, donnant tous ses droits d’auteur à cette cause. «Je ne faisais pas partie de la catégorie des combattants politiques, mais je souffrais d’être obligé de me plier aux règles souvent absurdes de ce régime et j’ai compris en lisant Le Premier Cercle de Soljénitsyne que je ne voulais pas participer à l’injustice du système. J’ai décidé alors que je ne pouvais laisser seules les familles de prisonniers affronter leur détresse et la vindicte du pouvoir», explique-t-il . Une générosité et une empathie qui allaient lui valoir d’être finalement condamné «pour propagation de fausses rumeurs» et envoyé en camp à Norilsk pour trois ans, une peine renouvelée pour trois autres années à la faveur d’une législation brejnévienne permettant de prolonger la détention par décision administrative d’un tribunal tenu en prison. Sergueï ne fut libéré qu’à la faveur de la Perestroika, à condition de quitter le pays. «L’autre option était de risquer à nouveau l’emprisonnement. C’était pour moi inimaginable, après ce que j’avais enduré», dit-il. En l’écoutant raconter ses conditions de travail par des températures négatives, on pense à Evguenia Kara-Mourza évoquant les tourments de son mari. «Certains disent parfois que l’ère brejnévienne était moins dure que celle de Poutine, mais je vous assure qu’ils tenaient leurs standards, se souvient-il avec ironie. Les tueurs restent des tueurs».

      Pour lui, le grand ratage de 1991 et du post-communisme russe est venu de l’isolement des dissidents, porteurs d’un compas moral mais qui ne constituaient pas une masse critique. «La dissidence soviétique avait eu un énorme retentissement .Elle incarnait un mouvement large mais elle était petite en nombre, ce qui a limité ses capacités», rappelle-t-il, notant aussi que «beaucoup de dissidents étaient dans l’émigration, et qu’il y a peu d’exemples, à part Lénine (!), de retour réussi des émigrés en politique». Serguei parle aussi de la peur comme d’un facteur de long terme, qui a fait échouer le processus. «Personne n’a étudié combien la peur influence la psyché des gens quand elle règne pendant des décennies», note-t-il, persuadé qu’elle continuera d’avoir des effets. Aussi, explique l’ancien dissident, le KGB, dont les forces étaient omniprésentes au sein du mouvement de la Perestroika, a vite repris le dessus, après son recul provisoire en 1991.

      Voilà pourquoi, s’il admire le courage de Vladimir Kara-Mourza, Sergueï Khodorovitch se dit très pessimiste sur l’avenir de la Russie muselée, se demandant même si ce régime autodestructeur aura encore la force de poursuivre son existence. «Si vous regardez ce qui s’est passé depuis le conflit napoléonien, la Russie n’a cessé de s’épuiser dans des guerres et des répressions sans fin. Puis il y a eu la révolution bolchevique qui a détruit ses forces vives. Et aujourd’hui on assiste à l’acte final. Il y a des civilisations qui ont carrément disparu sans crier gare comme les Scythes, et cela pourrait bien lui arriver», estime-t-il. Il dit que «les années 90 n’ont été qu’une chance illusoire, car il ne restait plus que des voleurs et le KGB, après la destruction de la société des années soviétiques».

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  2. @ Monsieur Haï Lin (Buenos Aires República Argentina)
    Votre témoignage sur le devenir des russes blancs réfugiés en Argentine est un témoignage historique unique et donc capital.
    Oubliée par la » vieille génération » des 90- 100 ans, qui avait vécu en France sous l’occupation, ignorée par les « jeunes générations « , l’ histoire des russes blancs réfugiés en Argentine, venus des quatre coins du Monde , aussi dramatique et douloureuse fut- elle , se devait d’être évoquée , rappelée et soumise à la mémoire et à la connaissance de tous.
    Vous l’avez fait.

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  3. Au docteur Liamine ci-haut,

    Sans mentionner pour autant qu’une très bonne partie de l’émigration russe à Paris est reparti aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Argentine, dans les années d’après-guerre. Cela, je l’ai vu de bien près. Les russes blancs de Chine, surtout de la Mandchourie se sont repartis à 100 % à San Francisco, à Sydney, à Melbourne.

    Il y eu des raisons économiques qui ont motivé cette re-émigration des russes blancs de France et de Chine. Il y aussi eu des raisons politiques qui pendant bien des années ont été passées sous silence. Collaboration étroite avec l’occupation allemande pendant la guerre, des ex-soldats de l’armée de Vlassov, crainte de se voir expulsé en URSS, bien des russes blancs de Paris ayant rendu service à la Milice, ou bien ayant travaillé au Commissariat aux Questions Juives, etc.

    Tout le monde sait que très peu des émigrés russes se sont fait naturalisés français souvent pour des raisons financières, d’autres pour des raisons politiques.

    Le docteur Liamine a tendance à voir les choses en rose. Les émigrés russes en France souffraient d’une extrême pauvreté car bien qu’ils parlassent la langue du pays, très peu avait des professions mobiles. Des prétentions sociales exagérées qui subsistent jusqu’à nos jours sans profession établie.

    Par exemple, le Président de l’Argentine Juan Peron recevait tous les russes blancs de Paris qui voulaient venir s’installer dans le pays. Il accordait même des fonds d’état pour établir des églises, des écoles paroissiennes, des foyers de logement modiques. Il savait pertinemment bien que la plupart d’entre eux avaient « les mains sales » et avaient passé par l’épuration décrétée par de Gaulle dans les années 1945 – 1952.

    Arrivés en Argentine, ces russes blancs de Paris, parlant bien le français, n’étaient pas très bien vue par la plupart de leurs co-religionaries français ou russes installés depuis longtemps dans le pays. Les russes blancs des années 1920 arrivés jusqu’après les événements de 1917 – 1918 ne voulaient rien savoir de ces bons petits nazis russes blancs collabos de Paris. Et c’est une division qui reste valable aujourd’hui.

    Il y une cathédrale pour les descendants des russes blancs « les mains propres » dans le quartier de San Telmo, et une autre cathédrale pour les descendants des russes blancs « les mains sales » dans le quartier des allemands de Buenos Aires. Les uns ne côtoient point les autres.

    Tous mes hommages au Docteur Liamine.

    Haï Lin
    Buenos Aires, República Argentina
    El viernes 13 de enero

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    1. c’est ça qui est triste. toute l’élite russe, qui a été expulsée de l’URSS après 1990, a commencé à être élevée au ciel ! « Ce sont nos génies ! Voici notre monde russe ! » Mais Staline et Brejnev ont qualifié ces personnes de traîtres. tout se répète : maintenant les meilleurs de Russie sont arrêtés, des milliers de personnes instruites fuient le dictateur Poutine. Ils sont appelés représentants. Mais 45 /80 ans vont passer et la Russie en sera fière ?!

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    2. Monsieur,
      Il serait vraiment souhaitable que vous précisiez vos propos, car ils me semblent un tantinet confus.
      Mes grands parents (russes blancs) sont partis de Paris pour l’Argentine après la guerre sur les conseils de p. Georges Romanov, où ils ont intégré son foyer. Ma mère et ses parents DP ont rejoint l’Argentine. Ma famille se rappelle bien de cette époque.
      Parmi les Russes, d’après guerre, dans le sens le plus large, il y avait des Russes de blancs de Serbie, ceux de Paris (Europe) puis le reliquat de l’armée du général Smislovky.
      D’après leur récits, il ne semble pas que, comme vous l’affirmez, les Russes Blancs de Paris étaient de collabos obligés de fuir l’épuration de de Gaulle. Il semble également que les russes de Paris étaient plutôt minoritaires.
      Je ne vous permettrait pas de salir la mémoire de ceux qui ont vu en l’Argentine une possibilité de construire une vie meilleure que celle promise à Paris. Aucun rapport avec les collabos.
      Bien sûr l’Eglise de Calle Brazil existait déjà, puis il y a eu construction d’autres Eglises (d’abord Belgrano, puis Nunez).
      Pensez-vous que les schismes des dernières années sont liés à ce que vous racontez ?
      Par ailleurs, vous savez bien que beaucoup ont quitté l’Argentine pour les USA, et dire que ce sont vos allégations sur les différences entre les Russes des années 1920 et ceux des années 1947-1948 qui sont les causes des discordes actuelles ? Vous pensez que cela est toujours d’actualité ? pas vraiment… vous voulez justifier un schisme sur des bases inexactes.

      Il ne resta pas grand choses des Russes blancs d’après guerre, alors….
      (l’Eglise de la banlieu de Buenos Aires a été récupérée par EORHF).

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  4. L’article qui présente ce film des années 60 est intéressant, et juste dans l’ensemble, sauf, à mon avis, sur deux points :

    1)la dernière affirmation, d’ailleurs contredite dans le film:

    S’ il n’y a pas eu de “Taxis” parmi les Grands Ducs, Il y a eu des chauffeurs de taxi à Paris parmi les anciens officiers de l’Armée Impériale, et également parmi une certaine « noblesse désoeuveée » (en Russie ) qui ne savait pour ainsi dire » rien faire » à part conduire une voiture.

    2) s’il est vrai que beaucoup d’émigrés travaillaient comme ouvriers dans les usines,
    les émigrés à Paris , Nice , Marseille et autres grandes villes, ( ainsi qu’à Monte Carlo avec les opéras russes et les fameux “ Ballets Russes de Monte Carlo” avec Diaghileff, Serge Lifar ) faisaient en majorité partie de l’élite culturelle, artistique ( (Stravinsky, Rachmaninoff, Chaliapine, la Pavlova ) intellectuelle (Weidlé, Ilyine, Evdokimff, Zenkovsky Zander ), philosophique (Berdiaev ) spirituelle ( Mgr Euloge,Vladimir Lossky, Boulgakoff ) et politique, de la Russie.
    Cette élite russe, déjà très  » européenne » à cette époque, aimait la “belle France ”, parlait parfois une langue française pure, qu’ elle connaissait à la perfection et sans accent. Les plus jeunes, ,dans les familles qui avaient encore quelques moyens financiers, passaient leur BAC, et /ou entreprenaient des études supérieures avec succès.

    L’émigration russe rendait ainsi à la France , la dette que la Russie Impériale avait contractée envers l’Europe et la France du temps de Pierre le Grand.

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