Homélie:  Le Christ est notre Messie et le Roi de l’univers, nous Le confessons.

Père Nikolaï Tikhonchuk

Chers frères et sœurs,

Aujourd’hui nous célébrons la fête de l’entrée du Christ à Jérusalem. C’est la dernière fois que notre Seigneur entre dans la ville de la paix (Jérusalem a une étymologie très ancienne. Son nom signifie « demeure de la paix »). Il n’entre pas comme un conquérant avec des armes et des cris militaires, Il n’entre pas pour soumettre cette ville à Son Royaume dont Il a parlé à ses disciples. Il n’y entre pas pour renverser le pouvoir établi, mais pour apporter la paix véritable à Son peuple élu. Il entre à Jérusalem pour donner Sa vie pour délivrer les croyants du joug du péché.

Cette fête reste très ambiguë. Que peut-il y avoir defestif dans cet événement ? 

Nous savon très bien ce qui attend Jésus : la trahison et l’abandon, l’injuste jugement, et la cruauté du châtiment sur la croix. Alors pourquoi sommes-nous sijoyeux, alors même que nous savons très bien que ceuxqui crient « Hosanna » aujourd’hui, dans quelques jours vont hurler « Crucifie-Le » ?

Nous célébrons l’Entrée du Messie Jésus à Jérusalem parce que nous regardons beaucoup plus loin : notre regard se fixe déjà sur Sa résurrection au troisième jour. Oui, après le triomphe de l’entrée à Jérusalem, leChrist commencera Son ascension vers la souffrance et la mort. Mais la lumière allumée en ce jour éclairera aussi cette obscurité sans fond. Après la Croix et la mort, se lèvera l’aurore de la joie pascale inexprimable.C’est avec cette joie pascale que nous accueillons l’entrée du Christ à Jérusalem.

Souvent, nous essayons de voir les paroles du Christ et les événements de l’Evangile sous l’angle de notre vie et notre expérience. Je vous avoue que je n’arrive pas à lire les événements de l’Evangile autrement qu’autravers de tout ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine. La guerre que la Russie a commencée en Ukraine reste au fond de mes prières et de mes réflexions. Je pense à ma propre vie depuis que je suis devenu chrétien, la vie de mon Eglise russe durant les dernières décennies après la chute de l’URSS et tout ce qu’on vit actuellement.  

Je me souviens de l’adolescent que j’étais, baptisé à l’âge de 12 ans en 1988 – l’année du millénaire du baptême de la Russie. Deux ans plus tard, après la lecture des écrits du père Alexandre Men, je suis venu à l’église pour chercher le Christ véritablement. A cette époque, je me souviens des foules des gens qui venaient à l’église chaque weekend par centaines (!)pour y chercher une chose : le baptême. Certes, cette première recherche d’une « spiritualité » n’était pas claire pour un grand nombre d’entre eux. Néanmoinsces gens sont allés à l’église parce qu’instinctivementils ont pensé y retrouver la lumière et le sens de la vie.Où pouvaient-ils aller ? Ce malheureux peuple qui avécu si longtemps sous l’athéisme militant, comme un troupeau dispersé et sans berger, assoiffé en l’absence de l’eau vive.

Je me souviens du début des années 90 comme d’une sorte de fête des Rameaux : des vieillards et des adultes, des mères avec leurs petits enfants dans les bras, des gens de tout âge venaient en grand nombre vers le Christ. Ils se formait comme des petits ruisseaux après la fonte de la neige au printemps.C’était une joie inexplicable que je ressens comme une sorte de renaissance de mon pays natal après le si long et cruel hiver de l’athéisme.

« Les fleuves ont élevé, Seigneur, les fleuves ont élevé leur voix ;

Les fleuves ont soulevé leurs flots, dans le fracas des eaux innombrables ». Ps.92

Maintenant, hélas, nous vivons l’horreur de la guerre en Ukraine. Comme un grand nombre de mes compatriotes russes, je reste sous le choc terrible et muet d’une incompréhension oppressante : comment est-il possible que mon peuple russe mène une guerre atroce contre ses frères en Christ ?

Que cherchait la foule qui acclamait le Christ en criant« Hosanna » ? Le Messie ? Le Roi ? Oui. Le Christ est notre Messie et le Roi de l’univers, nous Le confessons. Mais la tragédie de ces gens, c’est qu’ils attendaient un roi concret. Ils attendaient un vainqueur des peuples, un monarque guerrier qui viendrait les libérer des Romains et ensuite soumettrait à son pouvoir les peuples infidèles. 

Ils ne comprenaient pas que le Sauveur est venu dans ce monde pour donner Sa propre vie pour la vie des autres. Oui, Il est venu pour établir Son Royaume, mais pas un empire belliqueux – un Royaume de la paix et de l’amour : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns des autres ». (Jn.13, 34).

Le peuple de Jérusalem rejette le Messie dès qu’il Le voit jugé et humilié, dès qu’il Le voit sur la croix et non sur le trône royal. Le peuple était furieux contre le Christ Jésus car Il ne correspondait pas à leur idéal imaginaire. Au lieu de chercher la vérité, ils rejettentCelui qui est la Vérité et la Vie. A la place de Jésus, le peuple a choisi un vrai criminel en oubliant la justice et la miséricorde envers celui qui « comme un agneau était trainé à l’abattoir ». (Is. 53)  

« Ne mettez pas votre foi dans les princes, 

dans les fils des hommes, qui ne peuvent sauver. 

Leur esprit s’en ira, ils retourneront à leur poussière

en ce jour-là périront toutes leurs pensées. 

Bienheureux celui qui a pour secours le Dieu de Jacob,

et qui met son espérance dans le Seigneur son Dieu ». Ps. 145.

Chers frères et sœurs, prions pour l’Ukraine souffrante et ensanglantée par cette terrible guerre, prions aussi pour le malheureux peuple russe qui vit une véritable tragédie comme autrefois le peuple hébreu qui n’a pas reconnu « le temps où il a été visité » (Lc.19,44), un peuple qui a durci son cœur et a rejeté le Christ au nom d’une gloire futile. Prions aussi pour nous-mêmes, pour que le Christ ressuscité vienne dans notre vie et illumine nos cœurs enténébrés, par Son amour sans limite.

Hosanna ! Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur !

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